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L’histoire nous le montre, les crises constituent rarement des tournants radicaux mais accélèrent plutôt des changements déjà initiés. Cette crise a donc eu des effets de révélation, d’accélération, en particulier sur la situation des centres villes. Le confinement a mis en évidence ce que nous savions déjà sur la surface trop exiguë des logements. Il a montré que la densité urbaine n’avait pas que des avantages. Plusieurs constats émergent de cette période. Le premier, c’est que, smart city ou pas, l’espace physique est absolument stratégique. Nous naissons et mourons dans des corps et notre santé de citadins dépend très concrètement de ce que nous mangeons et de l’air que nous respirons. Enfin, j’insiste, le mètre carré est plus déterminant dans nos vies que le terabit ! Ces constats nous poussent aujourd’hui à réfléchir autrement, à nous interroger sur le type de ville que nous voulons.
Depuis des années nous vivons sur cette idée que la modernité urbaine repose sur une maîtrise des flux : flux de personnes, de véhicules, de biens. La crise sanitaire nous a fait passer à une maille plus fine. Avec le numérique, nous pouvons désormais observer les « molécules » qui constituent ces flux, relever ce que j‘appellerais des traces d’occurrence. Nous pouvons dire « vous êtes ici, à tel moment ». Avec le tracking, les villes asiatiques ont été capables de dire combien de voyageurs arrivaient à tel endroit, combien d‘entre-eux étaient contaminés, où ils se dirigeaient. La ville était pensée hier comme une machine parfaitement huilée et gérée comme telle, sa gestion peut désormais être centrée sur ce qui arrive, sur la notion d’événement. Cela peut nous permettre de fabriquer une ville plus résiliente face à de prochaines crises.
La ville d’hier gérait des flux, celle de demain sera pilotée à partir d’événements
Le climat est en effet un bon exemple. Les villes vont de plus en plus gérer des événements. Elles vont s’appuyer sur l’enregistrement des traces d’occurrence que j’évoquais plus haut, construire des situations à partir de ces données puis extrapoler et modéliser, de façon à scénariser des futurs probables. Cette approche est beaucoup plus vivante, beaucoup plus en lien avec ce qui se passe réellement dans la ville mais elle peut aussi, nous l’avons vu en Asie, se révéler redoutable pour les libertés.
Ce n’est pas nouveau, la ville dans les années 1960 était déjà un terrain d’affrontement idéologique, à l’époque entre les Américains et les Russes. Le programme de rénovation urbaine initié par le président Johnson s’inscrivait clairement dans ce contexte*. Aujourd’hui, l’Est, la Chine, Singapour, en particulier, portent la vision d’une smart city très pilotée par la puissance publique, tandis que l’Ouest peine à imposer des alternatives, d’autres futurs urbains. Néanmoins on voit des exemples intéressants où la ville numérique est mise au service des citoyens, à Vienne, autour du logement, à Helsinki et à Medellin, sur le transport universel, à Rennes, avec une plateformisation civique. Avant d’être une question technologique, la smart city est une question politique. Derrière la smart city, il y a toujours un projet politique à construire ou à révéler.
les crises constituent rarement des tournants radicaux mais accélèrent plutôt des changements déjà initiés
La globalisation a certes affaibli les États et placé sur le devant de la scène des métropoles qui se copient entre elles. Mais l’échelon le plus déterminant n’est pas nécessairement l’échelon urbain. Aux États-Unis, face au Covid-19, ce sont les États, Californie, État de New York, qui pilotent la gestion de crise. Ces entités, dans un État fédéral, ont encore une grande importance. En France, le premier acteur, au plus fort de l’épidémie, a été l’État central, on l’a bien vu notamment lorsqu’il s’est agi d’organiser des transferts de malades d’une région à l’autre. Les villes sont importantes mais elles ont besoin d’être adossées à un État.
Nous allons avoir à repenser l’espace physique de nos villes, à hybrider le physique et le numérique
Que nous allons avoir à repenser l’espace physique de nos villes, à hybrider le physique et le numérique et que nous sommes en train de passer d’une ville des flux à une ville des occurrences. La « granulométrie » du monde change.
*Lyndon B. Johnson a été élu en 1964 sur le programme « Grande société », un projet ambitieux comprenant notamment un volet de rénovation urbaine, dans la lignée de la Nouvelle Frontière de JF Kennedy.