Sarah Harrach,
Responsable Innovation Lab Casaroc (Casablanca), RATP Dev
L'actualité du groupe RATP au service des élus et des acteurs qui font les territoires.
Les dernières infos sur l'activité du groupe RATP.
La vie connectée ouvre des perspectives inédites en termes de mobilité. Au cœur de cette transformation : d’immenses volumes de données, générés en permanence par nos usages numériques. C’est ainsi que la data est devenue une ressource précieuse, une « matière première » indispensable à la fabrication de nouveaux services. Du point de vue des utilisateurs, elle alimente la conception d’applications qui permettent toujours plus de personnalisation, d’innovation, d’interaction, à partir d’un outil unique, le smartphone. Du point de vue des opérateurs, elle est la clé d’une relation beaucoup plus riche avec les voyageurs et les clients mais aussi de potentialités techniques, qui permettent de gérer au plus près l’affluence sur les réseaux, de faciliter la maintenance prédictive ou encore de traiter rapidement des problèmes de propreté. Pour les territoires et les villes, enfin, elle est porteuse de nouveaux modes de planification et de gestion, plus intégrés et plus participatifs.
Sarah Harrach,
Responsable Innovation Lab Casaroc (Casablanca), RATP Dev
Depuis son lancement en 2018, le lab Casaroc s’est affirmé comme un maillon fort d’Urbanopolis, le réseau de labs du groupe RATP. Et ce n’est pas un hasard si RATP Dev a choisi Casablanca : cœur battant de l’innovation en Afrique, la capitale économique du Maroc abrite un écosystème très riche d’écoles et d’entreprises, soutenu par une politique nationale fortement orientée vers le digital et l’innovation. Casaroc a donc une double vocation : démontrer concrètement que les innovations qu’il porte peuvent créer localement de la valeur mais aussi développer des projets réplicables et utiles à l’ensemble des réseaux exploités par le groupe RATP en France et dans le monde.
Pari tenu, avec les projets aujourd’hui en cours de test, comme cette solution de chatbot, qui vient répondre à un besoin exprimé par deux réseaux, les tramways de Casablanca et de Florence, soucieux de pouvoir interagir en mode conversationnel avec leurs voyageurs. Casaroc a permis aux porteurs de projet issus de ces deux réseaux de travailler ensemble pour mieux définir leurs attentes puis de participer au prototypage et il y a quelques mois, des tests ont été lancé au Maroc et en Italie. Autre exemple : Greenways, un programme digital basé sur le collectif et permettant aux voyageurs de participer par leurs trajets à des programmes de reforestation. Cette fois, l’impulsion est venue de la direction Commerciale et Marketing de Public Transport Company à Riyad mais ce sont des jeunes de Casablanca en reconversion professionnelle vers le métier de développeur qui ont travaillé sur le prototype avec un cadrage technique de l’école de Coding Le Wagon, tandis que l’Emlyon Campus Casablanca planchait sur la stratégie de communication et de diffusion de la future solution.
« La data est un élément clé. Nous avons la chance d’avoir un « terrain de jeu » formidable puisque tous nos systèmes génèrent des flux de données de plus en plus importants. Nos matériels en station, notre matériel roulant, sont de plus en plus connectés et donc on a des flux de données absolument considérables à partir desquels nous avons pu développer des solutions. C’est aussi ce qui nous a permis de faire preuve d’agilité face à la crise sanitaire. »
Cyrille Giraudat,
Directeur Marketing, Digital et Innovation de RATP Dev
Bérangère Couillard,
députée, rapporteure pour l’Assemblée Nationale de la LOM
La data est un enjeu primordial du texte de la Loi d’Orientation des Mobilités, qui met en œuvre les outils permettant de protéger l’intérêt des utilisateurs, principaux bénéficiaires de la création des services d’informations multimodaux. Il est dans l’intérêt du consommateur de pouvoir disposer d’une application où l’ensemble des informations sur les déplacements est référencé, en temps réel, pour pouvoir faire son choix de déplacement de façon éclairée. Cela permettra de faciliter les trajets, de connaître l’offre à disposition et de combiner plusieurs solutions de déplacement. Ce service multimodal devra répondre à des exigences d’accessibilité pour tout public. Enfin les utilisateurs pourront trier les déplacements selon plusieurs critères, dont le prix.
L’article 9 de la LOM intègre, dans le droit français, la réglementation européenne sur l’ouverture des données de mobilités (arrêts, horaires, tarifs, accessibilité) pour l’ensemble des modes de transport, avec une date limite de mise en œuvre fixée au 1er décembre 2021.
Il propose d’imposer l’ouverture des données en temps réel, en plus des données théoriques et prévoit qu’une compensation financière pourra être demandée à l’utilisation des données lorsque le volume transmis excèdera un seuil défini par décret. Les régions et les métropoles seront chargées de la collecte des données et de leur transmission vers une interface numérique nationale et pourront également développer des plateformes de données territoriales.
Ce nouveau cadre législatif favorise le développement de services de mobilité et notre responsabilité est de les mettre au service du plus grand nombre, notamment de nos concitoyens pour qui la voiture individuelle est encore la seule solution.
L’ouverture des données et le développement des services numériques – notamment de calculateurs d’itinéraires et de billettiques multimodales – est essentiel pour encourager l’intermodalité et lutter contre l’auto-solisme. Les usagers vont pouvoir découvrir les modes de déplacements alternatifs existants sur leur territoire (qu’ils ne connaissent pas forcément puisqu’ils ont l’habitude de favoriser leur voiture) et changer, in fine, leurs habitudes.
Culture collaborative et plateformes numériques transforment en profondeur la façon dont les villes interagissent avec leurs habitants. En Finlande, la ville d’Espoo s’est engagée depuis 2012 dans une démarche « City As a Service », avec l’ambition de passer d’un modèle « bureaucratique » classique à une approche davantage orientée vers le client. Toutes les expérimentations sont co-construites avec les citoyens. C’est le cas de School As a Service, qui a changé la façon d’apprendre et d’enseigner, en rompant avec l’équation une école = un bâtiment. Les lycéens de la ville suivent désormais certains cours dans les espaces de l’université. Résultat : un campus plus ouvert sur la communauté locale, une optimisation des coûts grâce à la mutualisation des locaux d’enseignement, des échanges riches entre différentes classes d’âge…
Mais cette transformation dépasse parfois les intentions d’origine. La municipalité de Toronto, au Canada, souhaitait faire d’une zone inondable de 100 hectares sur les bords du lac Ontario une vitrine de la modernité numérique. Waterfront Toronto, l’organisme public en charge du développement du quartier, avait confié à Sidewalk Labs, filiale d’Alphabet, la maison-mère de Google, l’aménagement de Quayside, une ancienne friche. Les projets de Sidewalk Labs, basés sur une collecte massive de données à partir des capteurs implantés dans ce quartier futuriste ultraconnecté, ont rapidement soulevé des inquiétudes autour de la protection de la vie privée des habitants. Invoquant la crise économique liée au Covid19, Sidewalk Labs a finalement jeté l’éponge en mai dernier et annoncé l’abandon du projet.
« Pour devenir une Smart City, chaque ville doit tracer son chemin, et trouver des formules efficaces et durables pour relever ses propres défis. Les solutions peuvent convenir à plusieurs communes, mais chacune doit avoir une feuille de route unique et personnalisée. La source de l’intelligence n’est pas la ville, mais l’homme : c’est cette humanisation que nous devons renforcer si nous voulons des villes vraiment intelligentes à l’avenir. »
Pilar Conesa,
fondatrice et directrice d’Anterverti, société de conseil spécialisée dans l’innovation urbaine, commissaire du Smart City World Congress
Mieux connaître les usages réels et mieux anticiper les besoins : l’accès aux données est l’une des clés d’un pilotage efficace de la mobilité d’un territoire. Les pays européens ont commencé il y a une dizaine d’année à ouvrir leurs données publiques, fortement encouragés par la Commission européenne, qui a lancé en 2012 son propre portail d’open data. De nombreux services ont ainsi pu voir le jour. A Londres, le site traintimes.org.uk met en ligne une carte interactive du métro qui permet de voir en temps réel où est la rame et de consulter l’horaire prévu de son entrée en station. A Berlin, le site BrokenLifts répertorie les ascenseurs en panne des stations de métro.
En Pologne, ifinity utilise les données des capteurs de la ville de Varsovie pour créer une carte digitale, visible pour les malvoyants et audibles pour les personnes malentendantes, qui leur permet de circuler en toute sécurité dans la ville. Mais pour donner réellement aux voyageurs les commandes de leur mobilité et obtenir une image complète des usages sur un territoire, il faut que les opérateurs privés jouent aussi le jeu. C’est pourquoi la LOM ne fait pas de distinction entre secteur public et privé. Et c’est aussi pourquoi de plus en plus de villes demandent aux opérateurs privés de fournir leur data. Uber a ainsi ouvert en 2017 en France Uber Movement, une plateforme de données gratuite dont toutes les collectivités franciliennes peuvent se servir.
Benoît Marichal,
Responsable Programme Digital Data
Département Stratégie, Innovation et Développement, groupe RATP
Aujourd’hui, le groupe RATP partage ses données, mais nous savons assez peu de choses sur la façon dont ces données sont réutilisées et sur les acteurs qui les exploitent. Or, même dans les pays nordiques, généralement pionniers de l’ouverture des données en l’Europe, une prise de conscience est en train d’émerger : ouvrir la donnée n’est pas suffisant. La façon dont on génère la donnée, la qualité de la donnée sont importantes. Donc, si l’on veut ajuster, cibler au mieux ce qui est utile pour la réutilisation, il faut préserver un lien entre fournisseur et utilisateur. Cela signifie aussi que pour stimuler l’innovation et surtout créer de la valeur, les traditionnels hackathons doivent pouvoir être complétés par de vrais partenariats avec les producteurs de données, dans la durée, autour d’une idée business robuste et viable.
Ce sujet crucial pour le secteur des transports évolue rapidement. La réglementation européenne, puis la LOM en France lui ont donné un coup d’accélération. Désormais, ce sont quasiment tous les acteurs du secteur qui sont concernés par l’ouverture des données de mobilité, qu’ils soient publics ou privés, afin de permettre l’émergence de services MaaS. Au-delà du secteur des transports, les projets européens de règlementation pourraient bientôt compléter le partage des données publiques par un partage des données privées d’intérêt général. Une façon de rappeler que la donnée est un bien commun, et que sa valeur ne doit pas bénéficier uniquement au secteur privé.
Shadi Sadeghian, Responsable du pôle des programmes de recherche et d’innovation du groupe RATP : « Nous venons d’achever avec le MIT une première année de collaboration sur les smart curbs. Les « curbs », c’est ce qui s’étend entre trottoir et voirie, à la frontière entre le bâti et les flux de circulation. Nous voulons mieux comprendre les usages de ces espaces publics rares, hyper-sollicités. Le projet Paris2connect est un autre exemple de l’intérêt que nous portons aux usages. Le déploiement a été retardé par la crise sanitaire mais nous sommes en train d’identifier les « use cases » sur lesquels nous allons travailler. Grâce aux caméras et capteurs équipant le périmètre retenu pour Paris2connect, nous allons mieux comprendre ce qui se joue réellement dans la rue. »
Laurent Benet, Directeur stratégie et innovation pour ATC France et représentant du consortium Paris2connect : « Avec Paris2connect, nous voulons mettre en place une infrastructure urbaine mutualisée. Grâce à elle, nous allons tester la mise en place de capteurs et de caméras sur les mats d’éclairage public afin de mieux comprendre et réguler les flux sur la voirie et permettre ainsi la circulation de véhicules autonomes en toute sécurité dans un environnement urbain très dense. Lancée en 2020 pour une durée de 3 ans, cette expérimentation comprend le déploiement de 9 « smart poles » ou mâts connectés sur un périmètre de 3,5 km entre les gares d’Austerlitz, Lyon et Bercy. Parmi les nouveaux services attendus, un service de mobilité autonome accessible à tous et de nouveaux services urbains qui agissent au plus près des besoins en matière d’aménagements (voirie, trottoirs…), de cadre de vie (propreté, lutte contre le bruit…), d’information et de régulation du trafic (bus, vélos…). Piloté par ATC France avec le soutien de la Ville de Paris, Paris2connect est un groupement comprenant des entreprises (ATC France, Aximum, Nokia, RATP, Signify) et des startups (Audiospot, Parking Map, Exem). »