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Le russe Alexandre Chayanov, qui présidait le Parti agrarien au moment de la Révolution d’octobre, a publié sous le nom d’Ivan Kremniov « Voyage de mon frère Alexis au pays de l’utopie paysanne ». Dans son ouvrage, il imaginait l’utopie d’une ville sans habitants, d’une ville où personne ne vivait mais où l’on se rendait pour des réunions, des spectacles. Bref, une ville comme second lieu de vie. C’est peut-être vers ce modèle que nous sommes en train d’aller ! Paris a perdu en 10 ans 59 000 habitants. Mais 1 million de non Parisiens viennent travailler chaque jour dans la capitale et 30 millions de touristes la visitent. Et l’on sait peu de choses de ces publics qui pourtant ‘font’ la ville. La vraie question est de savoir pour qui on fabrique la ville.
Aujourd’hui, notre lien premier, c’est le numérique.
C’est de plus en plus un objet « étalé ». On a d’une part la ville « où les immeubles se touchent », où vivent principalement des cadres supérieurs occupés à des fonctions de d’encadrement, dans un environnement hypernumérique, puis, tout autour, une immense ville jardin, un immense périurabin, connecté, en France, par 62 000 ronds-points. Les gens ont acheté de plus en plus loin, et se sont installés dans ces communes non pas par choix mais en raison du prix du foncier. Lorsqu’ils sortent de chez eux, le rond-point qu’ils empruntent dessert le supermarché, l’école et le trajet qui les mène à leur travail. Mais cet espace n’a pas été pensé, l’ossature municipale, démocratique, des territoires, s’est peu à peu vidée de son sens, avec des habitants qui, j’y reviendrai, dorment dans une commune mais travaillent dans une autre et à qui on dit qu’ils n’existent pas ou peu, qu’ils polluent avec leur voiture, etc.
Les villes sont avant tout des hubs artistiques, intellectuels, des lieux de rencontre, d’apprentissage.
Après 1945, nous avons basculé dans la civilisation de la voiture. Dans les années 2000, une nouvelle révolution a commencé, celle du numérique. Et la crise nous a obligés à accélérer, à nous former, à utiliser rapidement de nouveaux outils. Aujourd’hui, notre lien premier, c’est le numérique. Aujourd’hui, notre lien premier, c’est le numérique. Définitivement.
Pour une partie de la population, ce que l’on peut déplacer, désormais, c’est le travail. L’idée que l’on a un 2eme bureau, qui peut être le train, ou un espace de travail partagé, ou une maison secondaire est devenue une réalité. En France, une petite dizaine de villes représentent 61% du PIB mais ça ne signifie pas que l’on a envie d’y vivre tous les jours. Les villes sont avant tout des hubs artistiques, intellectuels, des lieux de rencontre, d’apprentissage. On peut avoir un pied dedans, un pied dehors, s’y rendre de façon irrégulière, ou quelques jours par semaine seulement, si les entreprises aménagent des rythmes de travail. Je rappelle que les Français sont depuis très longtemps des bi-résidents. Les élites sociales l’ont toujours été. Au 18e ou au 19e siècle, on partait s’installer l’été dans « sa » campagne, à une ou deux heures de la ville, pour fuir les mauvaises odeurs de la ville et s’assurer un approvisionnement en produits alimentaires frais.
La vraie question est de savoir pour qui on fabrique la ville.
Les gens qui travaillent avec leurs mains habitent à l’extérieur de la ville et viennent travailler au centre. 64% des salariés ne vivent pas dans la commune où ils habitent. Cela pose la question du lien. Quand vous faites 50 ou 60 kilomètres de trajet chaque jour pour aller travailler, vos copains de bureau ne sont pas vos copains « résidentiels ». Peut-être faut-il imaginer des lieux secondaires où recréer du lien social. Autre question, politique celle-là. La démocratie, c’est travailler et habiter quelque part. Un citoyen, autrefois, c’était quelqu’un qui travaillait dans une commune, maintenant ce sont des gens qui y dorment ! La ville est en permanence traversée par des flux : 240 000 personnes viennent chaque jour des Hauts-de-France travailler à Paris. Qui les représente ? Sont-ils consultés sur les décisions d’urbanisme, d’aménagement, de transports qui pourtant les concernent ? C’est une question fondamentale.