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Travailler la résilience des villes

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Magali Reghezza-Zitt

Publié le

  • Maître de conférences à l’ENS, spécialiste de la géographie de l’environnement.

  • Membre du Haut Conseil pour le Climat.

  • Sa thèse, en 2006, portait sur le risque de crue centennale à Paris et les vulnérabilités liées.

  • Maître de conférences à l’ENS, spécialiste de la géographie de l’environnement.

  • Membre du Haut Conseil pour le Climat.

  • Sa thèse, en 2006, portait sur le risque de crue centennale à Paris et les vulnérabilités liées.

Il est beaucoup question aujourd’hui de la résilience des villes. De quoi parle-t-on, exactement ?

À l’origine, le terme était utilisé dans plusieurs disciplines scientifiques, puis il a été repris dans le domaine de la réduction des catastrophes naturelles pour essayer de comprendre comment les sociétés se relevaient après des chocs majeurs. La résilience permet au départ de décrire a posteriori un processus de reconstruction. Lorsqu’elle s’applique aux villes, elle identifie les caractéristiques leur permettant de ne pas disparaître après des catastrophes. Les sciences sociales ont montré que la résilience des villes est aussi un récit porté par différents acteurs – élus, citoyens, habitants. Pensez à Paris, après les attentats : il y a désormais toute une narration autour de la manière dont la ville s’est relevée. Aujourd’hui, il y a ce souhait de faire de la résilience un concept opérationnel, une « boîte à outils » dont se saisiraient les acteurs de terrain.

Malheureusement, il n’y a pas de solution toute faite ! Par exemple l’action ne sera pas la même sur une ville rasée après un séisme ou sur une ville dont la matérialité n’a pas été touchée, mais dont le tissu économique ou social s’est effondré. En fait, la ville résiliente serait celle capable de réduire sa vulnérabilité aux risques vécus et connus, mais également suffisamment plastique pour s’adapter à ce qui arrive et qui peut être inédit ou impensé. Comment atteindre cela, sachant qu’une ville est un système complexe, où usages, pratiques, réseaux interagissent ? Travailler à la résilience d’une ville, c’est avant tout se demander ce que l’on souhaite préserver, ce que l’on veut transformer.

Si la mise en œuvre opérationnelle de la résilience des villes est complexe, quels sont les principaux défis à relever pour en prendre le chemin ?

J’en distingue cinq.

L’enjeu prioritaire, c’est l’adaptation au changement climatique. Elle ne peut s’opérer sans la réduction des inégalités, qui est un autre enjeu fondamental, car les phénomènes d’exclusion sont source de fragilité pour les villes. Quand les chocs surviennent, les plus démunis sont non seulement davantage atteints, mais leur disparation prive également la ville de forces pour rebondir. Ensuite, il y a tout ce qui est lié au renouvellement urbain et qui va mobiliser des questions aussi vastes que la transition énergétique, les circuits alimentaires, la circulation de l’eau, la santé. Ces sujets sont incontournables et doivent se penser à l’aune des deux premiers. Un quatrième enjeu concerne l’accès à la culture et à l’éducation, qui est tout sauf annexe. Enfin, il y a la transformation vers la Smart City, qui prend place au sein d’un siècle sécuritaire. Elle soulève des questions liées aux libertés, au politique, et est elle-même source de vulnérabilité, car les cyber-menaces ne sont pas neutres.

Le problème, c’est que nous sommes insuffisamment préparés aux menaces du passé – épidémie, inondation – et qu’une partie des menaces futures sont inédites, soit par leur rythme, soit par leurs conséquences. Cela les place dans le domaine de l’inimaginable. Le souci majeur que je perçois dans la crise liée au Covid-19 est qu’elle nous pousse à occulter d’autres menaces tout aussi destructrices. Pourtant, la réponse à la crise actuelle devrait être envisagée de manière à nous préparer face aux menaces futures. Car plus vous vous préparez à affronter une crise et tirez des leçons de l’expérience vécue, plus vous réduisez votre vulnérabilité face à d’autres types de crises. C’est le principe du Build Back Better, inscrit en 2015 par l’ONU dans le cadre d’action fixé lors de la conférence de Sendai : ne pas reconstruire à l’identique, mais adapter de manière à améliorer la capacité future de rebond. Or, cela demande de faire des choix difficiles, car la résilience implique de se poser collectivement la question de ce que l’on veut préserver, de ce que l’on accepte de sacrifier, et du coût que l’on est prêt à investir.

 

Quelles pistes d’action, alors, pour tendre vers ces décisions ?

L’un des grands défis va être de trouver des mécanismes démocratiques impliquant les citoyens pour que tous les acteurs de la ville et tous les niveaux territoriaux travaillent ensemble. Aucun territoire ne peut réfléchir sans penser à ses relations à ses voisins, ce qui est particulièrement perceptible sur l’agglomération francilienne. La question, finalement, n’est pas tant de savoir qui doit tenir le gouvernail, mais plutôt d’imaginer comment bloquer le processus de vulnérabilisation croissante, en faisant converger les intérêts divergents et en répartissant équitablement les coûts et les bénéfices. Les arbitrages à opérer sont délicats et le contexte de crise sociale et économique ne les favorise pas du tout. Cela demande du temps, de créer le débat et d’être en capacité de tirer les leçons de l’expérience vécue.

Il faut construire publiquement des compromis, pour que les intérêts préservés – et donc, en creux, les intérêts délaissés – soient acceptés collectivement. L’enjeu est donc de politiser la résilience. Ensuite seulement, la technique peut suivre. Le risque, en revanche, c’est de se laisser bercer par l’illusion que la technique ou l’ingénierie territoriale résoudront tout. La meilleure piste d’action me semble donc résider dans la rencontre, l’échange des bonnes pratiques, l’innovation sociale, la pérennisation d’une solidarité positive. C’est ainsi que la résilience se construit, dans un mouvement performatif.

 

Pour une résilience incluante

Les Romains distinguaient l’urbs – les bâtiments, le matériel, ce qui reste – et la civitas, l’immatériel, les pratiques et usages, qui recouvrent tous les liens sociaux et sont spécifiques à chaque ville. Ils sont invisibles mais évoluent constamment, notamment suite à un choc. Quand on regarde Manhattan après le 11 septembre 2001, on s’aperçoit que le quartier a entièrement été reconstruit, mais pas à l’identique. Extérieurement, ça reste une ruche, mais ce ne sont plus nécessairement les mêmes activités, entreprises, salariés. Les fonctions, les usages ont changé. C’est tout l’enjeu autour de la résilience : comment en faire un projet partagé qui soit juste et non exclusif, qui ne pérennise pas, ou pire, ne renforce pas les inégalités ou les vulnérabilités antérieures.