Des alliances sur-mesure pour répondre aux besoins des territoires

Quelle est la situation en France alors que se prépare l’ouverture des services ferroviaires à la concurrence ?

Ronan Bois : Le nouveau cadre réglementaire offre aux régions, depuis décembre 2019 et jusqu’en 2023, la possibilité d’expérimenter  la mise en concurrence. A ce jour, 5 régions, Sud PACA, Grand Est, Hauts-de-France, Pays-de-la-Loire et Île-de-France sont formellement engagées dans cette démarche. Dans deux d’entre elles, Grand Est et Hauts-de-France, des appels d’offres sont lancés en 2021, respectivement pour deux et trois lots. Tout cela est très nouveau et notre premier réflexe a donc été d’écouter les attentes : nous avons rencontré en 2020 plus d’une centaine d’acteurs clés des collectivités territoriales directement impactées par ces lots. Et nous avons aussi répondu aux appels à manifestation d’intérêt lancés par les régions.

Pourquoi avoir choisi Getlink pour partenaire ?

Ronan Bois : RATP Dev possède une expertise solide en matière d’exploitation de services, de gestion de contrats de service public et d’expérience passager. Mais nous avions besoin d’un partenaire qui connaisse et sache utiliser l’infrastructure ferroviaire française et puisse se mobiliser pour régénérer et gérer l’infrastructure si la région venait à nous confier ce volet.  Il fallait aussi que ce partenaire sache maintenir les compétences de conducteurs de train. Getlink répond à l’ensemble de ces critères. Sa marque Europorte opère du fret sur le réseau ferroviaire français. Getlink a également créé le premier centre de formation privé dédié aux métiers du ferroviaire, CIFFCO. Enfin, la filiale Europorte Services détient un savoir-faire dans les travaux et la gestion d’infrastructures (des terminaux portuaires, notamment). Tous deux fortement ancrés dans les territoires, réunis au sein de la co-entreprise Régioneo, RATP Dev et Getlink sont donc et à pied d’œuvre pour répondre aux besoins des régions.

Qu’allez-vous proposer ?

Ronan Bois : Du sur-mesure. Nos rencontres avec les élus nous ont permis de constater que chaque région avait une approche différente du sujet. Certaines sont prêtes à confier à un opérateur l’exploitation et la maintenance de leurs lignes, d’autres souhaitent également déléguer l’infrastructure. Il n’y aura donc pas de solution toute faite, l’agilité et la créativité sont de rigueur. C’est vrai notamment sur la question du financement et c’est pourquoi en région Grand Est, par exemple, nous constituons un groupement pour porter le financement de la régénération de l’infrastructure.

Quels bénéfices pour les habitants ?

Ronan Bois : Cette ouverture est une opportunité pour que le ferroviaire redevienne la colonne vertébrale de la mobilité locale. Cela doit permettre aux régions de se développer économiquement et de résorber certaines fractures territoriales, dans une logique de respect de l’environnement car un train bien rempli, ce sont autant de voitures qui ne circulent pas. Mais la condition pour que cela fonctionne, c’est que ces 9000 kilomètres de desserte fine soient bien maillés aux autres modes. Et sur ce point, l’expertise multimodale de RATP Dev, filiale du groupe RATP qui exploite 8 modes de transport dans 13 pays, est un vrai atout.

Offrir des solutions adaptées, pertinentes et performantes à nos clients autorités organisatrices de mobilité, c’est aussi faire preuve d’humilité et d’agilité en allant chercher, chez d’autres acteurs des compétences complémentaires et des innovations. Ainsi, pour répondre à l’appel d’offres des lignes 16 et 17 du Grand Paris Express, le groupe RATP a formé une alliance entre RATP Dev et deux partenaires de niveau mondial, ComfortDelGro Transit et Alstom. Une alliance qui vise à proposer des solutions aux meilleurs standards internationaux d’exploitation, de maintenance et de service.

Cette dimension partenariale est clé dans l’approche du Groupe. Elle vaut aussi pour les autorités organisatrices de mobilité, de plus en plus nombreuses, qui lui font confiance. Les équipes du Groupe sont avec elles dans une vraie dynamique de partage : elles ne leur offrent pas simplement une prestation d’opérateur, mais leur proposent une montée en puissance et en compétences qui profite au territoire. Au Caire par exemple, RATP Dev Mobilty Cairo va reprendre l’exploitation et de la maintenance de la ligne 3 du métro, et entend investir considérablement dans le capital humain local et dans la formation de talents pour l’exploitation métro. Avec pour objectif un taux minimum de 90% de contrats locaux.

Quels sont pour vous les enjeux de l’ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires de desserte fine en Hauts-de-France ?

Les enjeux, quand on les exprime pour Beauvais et le Beauvaisis, c’est en 1er lieu de pouvoir établir avec nos nouveaux interlocuteurs un meilleur dialogue que celui que nous avons eu jusqu’à présent avec l’opérateur historique, notamment parce que nous n’avons pas obtenu de réponses positives sur nombre de demandes que nous avons formulées. J’espère donc une plus grande attention portée à nos attentes comme par exemple notre désir d’avoir un train Beauvais – Paris en moins d’une heure quotidiennement. Plus globalement, nous attendons, comme les usagers réguliers de la ligne Paris – Beauvais, une meilleure qualité et une meilleure régularité dans le service, ce qui implique une meilleure qualité des matériels en circulation.

À mon sens, l’ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires de desserte fine en Hauts-de-France est une bonne chose et elle ne doit pas être appréhendée comme une remise en cause de l’opérateur historique mais comme une invitation à faire plus et mieux au bénéfice des usagers du train, avec un meilleur service apporté au territoire et aux voyageurs.

Pour la Ville de Beauvais et la Communauté d’agglomération du Beauvaisis plus particulièrement, qu’attendez-vous du renouveau de ces lignes ?

Comme je vous le disais, nous attendons bien sur le Beauvais-Paris en moins d’une heure. C’est essentiel et nous ne pouvons pas renoncer à cette ambition. Atteindre ce but mettrait fin à une inégalité criante entre les territoires de l’Oise et même de la Picardie. Toutes les autres villes importantes du Département voire du sud des Hauts-de-France ont accès à Paris en moins d’une heure. Nous souhaitons que cela soit aussi le cas pour Beauvais. Grâce à cela, nos habitants pourront plus et mieux bénéficier du bassin d’emploi francilien et nos entreprises pourront attirer plus de résidents de l’Île-de-France. En gagnant 15 minutes deux fois par jour, en arrivant plus rapidement à Paris, les usagers gagneront en confort à tous points de vue, ils seront moins fatigués, ils auront plus de disponibilités pour leur famille, leurs loisirs mais aussi leur travail, ils seront moins stressés parce qu’ils devront moins courir après le temps… Et pour celles et ceux qui avaient jusqu’à présent renoncé soit à venir travailler en Beauvaisis, soit à aller travailler en région parisienne, cela peut être l’occasion de sauter le pas.

Est-il clé pour la vitalité du territoire ?

Bien sûr ! Le territoire du Beauvaisis a beaucoup moins de pendulaires avec l’Île-de-France que d’autres villes du sud de l’Oise. Avec une réduction sensible du temps de transport et avec une amélioration sensible de la qualité des prestations proposées (je pense bien sûr au confort des trains mais aussi à la sécurité et à la ponctualité), nous favoriserons l’accès à notre bassin d’emploi et nous ouvrirons à nos habitants de nouvelles opportunités de travail et de formation. Le temps et la qualité du transport peuvent être des facteurs bloquants lorsqu’on envisage de changer d’emploi ou de se former pour évoluer professionnellement…

Comment accueillez-vous l’arrivée de nouveaux opérateurs en matière de transport ferroviaire régional de voyageurs, comme Régionéo ?

Leur arrivée est bienvenue mais ils seront, comme la SNCF, jugés sur la façon dont ils répondent aux attentes exprimées par les habitants et les collectivités de notre territoire. Nous restons dans le concret et dans le pragmatique.

Nous connaissons et nous reconnaissons le professionnalisme, de ces nouveaux opérateurs. Nous savons que ce sont de grandes entreprises qui ont une histoire, un passé et une marque, une identité. En regard de cela, nous attendons donc beaucoup d’eux et c’est normal.

Je trouve que c’est très positif de les voir s’intéresser à notre territoire, d’autant plus que ce sont des entreprises qui ont un savoir-faire reconnu, qui ont fait leurs preuves, qui ont un personnel de grande qualité.

Elles sont donc attendues avec un haut niveau d’exigence. Leur arrivée est un vrai défi, pour elles comme pour nous !