Le futurisme permet-il de prédire l’avenir ?
S. K. Personne ne peut prédire ce qui nous attend. Nous ne pouvons être certains que de nos incertitudes. Nous ne pouvons que rester à l’affût des signes. Le futuriste cherche à identifier la formation de tendances et leur impact possible sur différents scénarios. Il évalue ensuite la probabilité de ces scénarios.
Que disent les signes quant à l’avenir de la mobilité urbaine ?
S. K. La pensée actuelle se focalise majoritairement sur l’arrivée imminente des véhicules autonomes. L’humain est mauvais conducteur : il ne respecte ni les limitations de vitesse, ni les feux de signalisation. Le véhicule autonome, lui, est programmé pour suivre les règles.
L’automatisation croissante rendra, j’en suis convaincue, nos rues plus sûres. Cependant, même quand toutes les voitures seront autonomes, les citadins auront encore besoin de métros et de bus. L’urbanisation grandissante du monde ne fait aujourd’hui plus de doute. Nous aurons besoin de systèmes de transports en commun capables de transporter des millions de voyageurs tous les jours. Si les décideurs de l’industrie veulent concurrencer le véhicule individuel, particulièrement attrayant, ils doivent identifier quelles améliorations peuvent être apportées aux transports en commun, notamment par la mise à disposition d’informations numériques, de divertissements, de climatisation, de musique… Tout ce qui peut rendre le voyage agréable.
"Personne ne peut prédire ce qui nous attend. Nous ne pouvons que rester à l'affût des signes."
Comment la pandémie a-t-elle influencé votre vision de l’avenir des villes ?
S. K. Il y aura certainement une période d’ajustement post-Covid-19. Pour l’instant, on entend beaucoup que la pandémie et le télétravail qu’elle a popularisé sonnent le glas pour le concept de ville. Mais le travail n’est pas sa seule raison d’être. La ville existe pour permettre la diversité et la culture. Elle nous permet d’interagir avec les autres, d’apprécier leur présence et leur compagnie.
Tout cela n’est pas accessible, ou pas autant, sans la ville. Les villes fourmillent d’habitants. Ceux-ci ont, en dehors du travail, de nombreuses raisons de passer du temps en ville. À mon avis, le scénario le plus probable est que les villes connaîtront quelques années difficiles économiquement. Puis elles retrouveront leur attrait.
Vous avez dit que vous aimez donner le micro à ceux qui en ont besoin. Qui aujourd’hui devrait être plus écouté pour que les villes de demain connaissent le succès ?
S. K. Il faut plus de diversité au niveau de la direction dans toute l’industrie du transport, au niveau mondial. Aux États-Unis, moins de 20 % des postes de direction dans le secteur sont occupés par des femmes. Les chiffres sont encore plus bas pour les minorités et les personnes handicapées. Quand ces voix n’ont pas de représentation parmi les dirigeants, il est impossible de concevoir des systèmes de transport adaptés à leurs besoins.
Heureusement, de nombreuses villes américaines s’efforcent maintenant de diversifier leurs équipes de direction. En revanche, dans le secteur privé américain comme ailleurs, ce sont les hommes, particulièrement blancs, qui gardent la main. Il faut que cela change. Cette partie privilégiée ne peut prendre, à elle seule, toutes les décisions en matière de transport.