Sur les toits, les anciennes friches ou en pied d’immeuble ne poussent pas seulement rosiers et tomates. Dans ces espaces résiduels, une nouvelle façon d’être ensemble s’invente et se cultive. Fruit hybride des jardins ouvriers et des jardins familiaux de l’ère industrielle et du modèle américain des community gardens, les nouveaux jardins partagés recréent une convivialité à échelle humaine : repas de quartier, animations, spectacles, ils sont le théâtre d’échanges de proximité. Les enfants qui ont grandi en ville et sortent peu de leur quartier y découvrent le plaisir de la terre et des légumes frais cueillis.
Les jardiniers néophytes y recueillent astuces et conseils auprès des plus expérimentés. Ces nouveaux espaces transcendent l’âge, la culture et le milieu social. Autour d’une plate-bande, les mains dans la terre, tout le monde a sa place : les personnes âgées, souvent porteuses d’un savoir qu’elles ont plaisir à transmettre, les enfants, que passionne d’emblée le contact du vivant, les personnes à faible revenu, pour qui l’accès à la nature redevient possible dès lors que le jardin vient à elles.
Les toits verts, un engouement qui dure
« En 2017, convaincu que l’agriculture urbaine pouvait devenir une tendance sociétale de fond, le groupe RATP a noué un partenariat avec AgroParistech et implanté à la Maison de la RATP un démonstrateur qui a séduit une soixantaine d’agents volontaires. Cette tendance s’est confirmée avec le lancement par la Ville de Paris de l’appel à projets Parisculteurs, dans lequel l’un de nos sites a été retenu. Aujourd’hui, nous estimons à 40 000 mètres carrés le potentiel de végétalisation sur notre patrimoine foncier, dont un tiers d’agriculture urbaine. Cette “cinquième” façade que constituent les toits végétalisés suscite beaucoup d’intérêt auprès de publics très divers. Chaque jardin est unique et polymorphe : ainsi celui de notre centre bus des Ateliers Jourdan (Paris 14e) est investi à la fois par les habitants de l’immeuble et les étudiants de la résidence construits au-dessus du centre, par les écoles voisines et par une association. »
Les jardins partagés sont des laboratoires
« Depuis une quinzaine d’années, on assiste à un vrai changement culturel. À Paris, par exemple, ingénieurs, jardiniers et urbanistes assumaient auparavant une mission de préservation et d’embellissement du patrimoine des parcs et jardins hérité de la IIIe République. Le public était alors dans un rapport contemplatif à ces paysages. L’essor des jardins partagés a modifié la donne en permettant aux habitants de créer aussi du paysage. La Ville de Paris aurait pu choisir la standardisation, à partir d’un prototype de jardin déclinable sous différents formats. Mais en optant pour une nouvelle forme de dialogue avec les habitants, elle a permis à quelque 150 jardins partagés très diversifiés d’éclore, en coproduction entre habitants et “experts”. Chacun a dû trouver sa place. Pour certains professionnels, la remise en cause est difficile mais ces nouveaux jardins sont autant de laboratoires pour la ville de demain. »
Ancien hôpital, friche urbaine, gare désaffectée : les entre-deux de la ville, parents pauvres de l’aménagement urbain, sont aujourd’hui considérés comme de formidables terrains d’expérimentation, comme des préfigurations de la ville de demain. De taille et d’envergure variables, les écoquartiers ont tous en commun un même souci du développement durable et une même ambition de mixité sociale, dans des îlots mêlant équipements publics, logements et services.