Qualité de villes, le magazine du groupe RATP qui donne à voir LA VILLE AUTREMENT.

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Inspirations

Peut-on encore innover seul ?

Selon l’ONU, près de 70 % de la population mondiale vivra dans les villes en 2050, contre
55 % aujourd’hui. Pour répondre aux immenses défis de cette inflation démographique, les villes se transforment en laboratoire à ciel ouvert. Open innovation, hackathon, living lab, crowdstorming, budget participatif… Tous les chemins mènent à la smart city et à son idéal d’équilibre territorial, environnemental et social. Tour d’horizon.

Le partenariat public-privé, un atout pour les villes de demain ?

Les villes font travailler ensemble des acteurs de tous horizons, du simple citoyen à l’opérateur de réseaux en passant par l’association de quartier. Certaines villes pionnières expérimentent le partenariat public-privé pour orchestrer cet ensemble polyphonique et réguler le partage de la big data.

Issus du monde anglo-saxon, créés en France par l’ordonnance du 17 juin 2004, les partenariats public-privé (PPP) ont d’abord servi à la construction d’infrastructures, suivant un principe donnant-donnant : l’opérateur privé apporte la plus grande part de l’investissement initial et perçoit en contrepartie un revenu d’exploitation de l’ouvrage ou un loyer versé par la collectivité. Le nouveau Palais de Justice de Paris, l’Airport Link de Sydney ou la mégacentrale solaire de Bhadla, en Inde, font partie de ces centaines d’équipements réalisés dans le monde en PPP. Privilégiés par les collectivités en manque de financement, les PPP requièrent cependant une vigilance extrême quant au partage des risques, des coûts et des revenus, sous peine de s’avérer in fine plus onéreux, pour le territoire ou pour l’usager, qu’un investissement sur fonds publics. Dans un rapport publié en 2018, la Cour des comptes européenne pointe ainsi les surcoûts et retards de livraison qui frappent de nombreux PPP, faute d’une analyse préalable et d’une mise en concurrence suffisante. Rigueur et maîtrise sont plus que jamais recommandées à l’heure où les PPP entrent en jeu, non plus pour construire un pont ou des parkings, mais les systèmes d’information intelligents et les services online qui préfigurent la ville de demain, dite « smart city ». Des métropoles comme Boston, Londres, Rio de Janeiro ou Lille, par exemple, ont signé un partenariat avec « Waze », la célèbre appli de navigation routière, pour recueillir en temps réel les incidents ou accidents de voirie signalés par les automobilistes, et faire intervenir rapidement leurs agents.

Plus avancée, la mégalopole de Séoul lancera prochainement une « big data platform », collectant les données de tous les opérateurs de transport, publics et privés, pour ajuster en temps réel la capacité des métros, bus, tramways, et enrichir son offre de Maas. À travers ces quelques cas apparaît l’enjeu central de la ville connectée. « On passe d’une maîtrise d’ouvrage à une maîtrise d’usage : à une approche transversale, centrée sur les besoins de l’utilisateur final, fédérant une multitude de parties prenantes – collectivité, gestionnaire de réseau, centres de recherche, prestataires, associations, usagers… – au sein d’une gouvernance qui doit organiser, entre autres, le partage des données », résume un collectif d’experts de l’IAE Paris-Sorbonne (1). La data se place ainsi au centre du PPP nouveau, avec son cortège de questions encore non résolues : comment réaliser une collecte massive auprès de multiples partenaires tout en garantissant la protection des données ? Comment valoriser la data et rémunérer son exploitation ? À qui confier le stockage ? Sur un domaine où tout reste à faire, ces mêmes experts préconisent un PPP évolutif, ajustable à mesure que les partenaires gagnent en expérience et en certitudes. Rendez-vous dans quelques années pour savoir si les « smart PPP » auront échappé aux limites de leurs prédécesseurs.

(1) Digital New Deal : les relations public-privé dans la smart city. Chaire IAE Paris-Sorbonne Business School.

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Carlo_Ratti_Portrait (Credit Sara Magni)-400x400

"Il est important d’impliquer les citoyens, de recueillir leur expérience."

Carlo Ratti
Architecte et ingénieur, fondateur du Senseable City Lab au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Quel rôle jouent les PPP dans l’émergence des smart cities, que vous préférez appeler « Senseable Cities (1) » ?

C. R. La « Senseable City » intègre les technologies digitales dans une réponse globale aux besoins des habitants : non seulement des services plus performants mais une ville plus inclusive, cohérente, décarbonée. Pour y parvenir, il faut fédérer une vaste diversité d’acteurs, et le PPP peut dans certains cas offrir le cadre requis par ce décloisonnement. Notre laboratoire fait de la recherche, qui n’entre pas dans le domaine des PPP. Cependant, certaines applications de nos projets ont suscité ce type de partenariat. La cité de Singapour, par exemple, a créé le Live Singapore! une plateforme qui ouvre au public, en temps réel, les informations issues de nombreuses parties prenantes – dont les citoyens eux-mêmes – avec pour effet la création d’applis, de services utiles à la collectivité.

 

Quelles sont, selon vous, les clés d’un PPP réussi ?

C. R. Un PPP réussi, pour une ville sensible, c’est d’abord un PPPP : un public-private partnership with people, conçu dans une approche ascendante, qui part des besoins exprimés sur le terrain et mobilise les habitants.

Le PPPP doit également bénéficier d’un cadre précisément défini par les pouvoirs publics, qui fixe des règles claires tout en laissant aux acteurs une certaine flexibilité, indispensable dans un domaine encore émergent comme celui des « villes
sensibles ».

 

Existe-t-il une méthode propre aux
« Senseable Cities » ?

C. R. C’est moins une méthode qu’un état d’esprit, curieux, audacieux, participatif, qui voit le territoire urbain comme un laboratoire à ciel ouvert, un lieu où expérimenter différentes solutions, qu’il s’agisse de micro-mobilités, de réseaux électriques intelligents ou d’e-administration. Plus vous testez, plus la probabilité augmente de trouver une solution efficace. Sur un champ de recherche aussi neuf, les erreurs sont inévitables. Il est d’autant plus important d’impliquer les citoyens, de recueillir leur expérience. Ils sont les mieux placés pour juger de l’impact d’une innovation sur le vivre en ville.

(1) Ville sensible.

Repenser la ville par et pour les habitants

Espaces d’innovation participative, les tiers-lieux fleurissent un peu partout, à la ville comme en milieu rural. Ils permettent aux citoyens de redessiner ensemble les usages, objets, pratiques de leur quotidien, et, si affinités, de réunir autour de leur initiative une communauté mondiale sur les réseaux sociaux. Du local au global : histoire d’une petite révolution.

Plus ancien fablab(1) de France, né en 2009 à Toulouse, Articlect réunit aujourd’hui 4 000 adhérents qui réalisent plus de 500 projets par an, au carrefour de l’écologie urbaine, de la high-tech et de l’économie solidaire. À l’image d’Artilect, les fablabs, hackerspaces, techshops, open labs et autres laboratoires vivants de l’innovation se multiplient, en France et dans le monde, avec l’ambition de révolutionner la ville. Sous la diversité des étiquettes, recouvrant des nuances de spécialisation, ces tiers-lieux partagent une même philosophie. Il s’agit d’espaces collaboratifs qui mettent à disposition de tous – citoyens, associations, start-up… – des machines, des méthodes, des outils et des ressources digitales pour concevoir, créer, fabriquer ensemble. Les participants se revendiquent en makers ou créateurs, qui entendent revenir à la source du politique, à la vie de la cité. À rebours des systèmes imposés par le haut, qu’il s’agisse de production, de consommation ou d’aménagement du territoire, les créateurs se concentrent sur l’élaboration d’une idée, d’un objet, d’un service – on parle de micro-innovation – avant d’essaimer le plus largement possible.

Exemple : une machine à recycler le plastique, inventée par un designer hollandais, est devenue une communauté mondiale de 80 000 créateurs, « Precious Plastic », qui partage tout en open source pour collecter et convertir localement un maximum de déchets. Ici s’esquisse une nouvelle conception de la ville, en mode circulaire et relocalisé. « Nous voulons passer du modèle PITO (Product In – Trash Out), où la ville importe ses produits et exporte ses déchets, avec un coût environnemental énorme, à un modèle DIDO (Data in, Data out), où la ville produit et recycle sur place tout ce dont elle a besoin, en s’appuyant sur le partage des données », explique l’urbaniste Tomás Diez, fondateur du Fab Lab Barcelona et initiateur de la Fab City Global Initiative, un réseau mondial de 28 métropoles et territoires qui visent l’autosuffisance en 2054. Du fablab à la fab city : les créateurs comptent bien imprimer leurs rêves en 3D !

(1) fablab : contraction de fabrication laboratory (laboratoire de fabrication).

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250 000

C’est le nombre de visières anticovid fabriquées en avril 2020 par les
« créateurs » français et distribuées gratuite

Urbanopolis, accélérateur d'innovation

Innovation participative, labs en réseau, accélérateur de start-up, fertilisation croisée… Le groupe RATP met en œuvre une innovation à 360°. Un levier à la hauteur de l’enjeu : contribuer partout dans le monde à l’émergence des smart cities, en développant pour les citoyens une offre de mobilité durable, intermodale, inclusive et connectée. Illustration au Maroc.

Avec Urbanopolis, son réseau de 7 laboratoires (1) d’innovation collaborative, le groupe RATP a développé un outil de pointe, transversal et réactif, au service de trois ambitions : explorer et décrypter les dernières évolutions en matière de transport durable et de ville intelligente ; identifier au sein du Groupe les idées les plus créatives et accélérer leur maturation ; enfin, partager avec son écosystème les solutions novatrices et les bonnes pratiques. Urbanopolis joue ainsi un rôle de défricheur de tendances, de découvreur de talents, de facilitateur de projets. Le réseau contribue, par exemple, au succès du programme Spark, un accélérateur de start-up lancé en 2019 par le groupe RATP. Fonctionnant en open innovation, les labs intègrent dans leur démarche R&D une pluralité d’acteurs – chercheurs, collectivités, entreprises, urbanistes…

– afin d’appréhender, au-delà des technologies, toutes les dimensions de sujets d’avenir comme les véhicules autonomes, l’intelligence artificielle ou le MaaS. Par leur organisation et leur culture transversales, ils favorisent un essaimage rapide des innovations, enrichissent régulièrement l’offre en mobilité durable déployée par le Groupe dans les 13 pays où il opère. Avec Urbanopolis et ses 7 têtes chercheuses, la RATP se pose plus que jamais en partenaire de référence des collectivités, engagé à leurs côtés pour construire la ville de demain, décarbonée, intelligente et conviviale.

(1) Casaroc (Casablanca), Ker’Lab (Brest), L’Atelier (Val de Fontenay), La Fabrique (Paris), La Factory (Noisy-le-Grand), Le Hub (Paris), La Plateforme (Noisy-le-Grand).

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"Notre démarche d'open innovation stimule la créativité en interne."

Patrick Vautier
Directeur marketing et innovation, RATP Dev.

En quoi l’innovation peut-elle répondre à la crise sanitaire ?

P. V. La crise nous a incités à encore plus d’innovation pour mieux accompagner nos clients. Nous avons notamment mis au point des modélisations pour ajuster l’offre de transport au trafic du moment et aux contraintes de distanciation. Nous avons développé une appli collaborative qui informe les usagers, en temps réel, de l’affluence sur un trajet. Nous avons expérimenté des dispositifs précurseurs en matière d’hygiène et de sécurité, comme Holostop, un bouton d’arrêt sans contact, ou le tissu autonettoyant de la start-up Nano-Désinfection.

 

Justement : vous venez de lancer le RATP Dev Digital Hub Maroc. Quel est son rôle ?

P. V. Tout part de notre lab casablancais, Casaroc, créé en 2018. De hackathon en partenariat, il a fait émerger des innovations remarquables, comme les applis usagers
« WIP » et « Khdimaty ».

Le Digital Hub Maroc est la structure juridique qui nous permet d’industrialiser et de contractualiser, partout dans le monde, les solutions prototypées chez Casaroc.

 

Quelle est l’originalité de la démarche d’innovation chez RATP Dev ?

P. V. C’est d’abord une open innovation, qui stimule la créativité en interne, via notre plateforme participative « Innov & Go », qui multiplie les partenariats et le soutien aux start-up, qui crée des solutions de mobilité complètes, fédérant territoires, AOM (1), associations, prestataires – à l’image de notre service MaaS à Annemasse ou de notre réseau multimodal à Riyad. C’est aussi une innovation en mode agile, ramassée sur un temps court et focalisée sur les bénéfices concrets pour nos parties prenantes. Enfin, notre démarche doit apporter de la valeur localement. Au Maroc, par exemple, elle mobilise écoles, incubateurs et start-up du pays au sein de projets créateurs d’emploi, positionnés sur des produits et des services à fort potentiel de développement.

(1) Autorités organisatrices de la mobilité.

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