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Mémoire

Le vélo, la révolution en roue libre

Du simple loisir pour les classes aisées à l’emblème d’une mobilité respectueuse de l’environnement, le vélo accompagne depuis le XIXe siècle les mutations de la société et des villes. Retour sur un moyen de transport qui n’a cessé – et qui continue – de se réinventer.

Pour une révolution toujours au cœur de notre quotidien, elle débute plutôt timidement. En 1817, le Baron allemand Karl Drais von Sauerbronn invente la draisienne, l’ancêtre du vélo. Mais il est accueilli comme un objet amusant, presque ridicule. Il faudra attendre plus de cinquante ans pour que la pratique sportive change la donne. À la fin du XIXe siècle, plusieurs grandes courses d’endurance défraient en effet la chronique. Les classes sociales plus aisées adoptent alors le vélo pour leurs loisirs. C’est lui qui permet à la bourgeoisie de découvrir ce que l’on n’appelle pas encore la mobilité. « Le vélo constitue la première étape vers d’autres progrès : sans lui, pas d’intérêt pour la vitesse, pas de curiosité pour l’automobile puis, plus tard, pour l’avion. C’est un levier pour plusieurs révolutions, » commente Philippe Gaboriau, chercheur au CNRS et spécialiste de la bicyclette. Revers du succès : dès 1900, les premiers adeptes jugent le vélo daté et trop fatigant. Il ne va plus assez vite, plus assez loin.

Années 1950 : des flots de vélos dans les villes

Peu coûteux, il séduit alors les classes populaires et se taille une place de choix sur les clichés du Front populaire en 1936 ou de la libération de Paris en 1945. Le vélo devient alors un véritable moyen de transport, utilisé au quotidien. Après la seconde Guerre Mondiale, il submerge les rues. « Des témoignages d’époque décrivent des flots de cyclistes qui roulent vers les usines. Ils entravent l’avancée des automobilistes qui osent à peine klaxonner, » poursuit Philippe Gaboriau. 500 000 vélos par jour sillonnent les banlieues parisiennes. Et, comme toujours, la mobilité modifie les modes de vie : les mariages se nouent dans un cercle géographique plus large car la petite reine permet d’aller danser dans des bals plus lointains. Mais son règne amorce un déclin à partir des années 1960. Le vélo se démode sauf s’il se motorise pour devenir Velosolex ou mobylette. Il n’a pourtant pas dit son dernier mot.

Une réponse à l’urgence climatique

Dès 1968, le doute s’insinue dans les pays occidentaux : le progrès est-il toujours positif ? L’accélération est-elle un but ou une impasse ? En 1974, le choc pétrolier pointe pour la première fois la limite de la civilisation de la voiture et l’urbanisation grandissante est à l’origine d’embouteillages problématiques. La bicyclette se pose alors en alternative. Et ce rôle ne va cesser de se renforcer au fil des années. Tout au long des années 2010, la bicyclette façonne l’organisation des villes avec les pistes cyclables mais aussi les stations en libre-service.

En parallèle, le développement des modèles à assistance électrique ne cesse d’améliorer les performances et la simplicité d’utilisation. Le vélo conjugue alors respect environnemental et rapidité. Désormais, la bicyclette s’intègre dans des parcours plus longs. Il n’est pas rare de voir des cyclistes monter avec leur vélo dans un RER ou un TER.

Avec la pandémie de COVID-19, la pratique du vélo s’intensifie. Il s’impose comme l’un des moyens de transport les plus pratiques pour se déplacer, notamment grâce à la mise en place de pistes cyclables supplémentaires.

« Depuis 2020, le renouveau est évident dans les centres villes, analyse Philippe Gaboriau. Au risque de symboliser la mobilité des métropoles et de perdre sa dimension universelle, populaire. » Le vélo, partout et pas seulement dans le cœur des grandes villes ? Un défi de la mobilité de demain qui pourrait encore marquer le début d’une nouvelle ère pour la bicyclette.

Pour aller plus loin

« Le vélo a été tout au long de son histoire le levier de révolutions », Philippe Gaboriau, Le Monde, 10 août 2020.

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