En engageant en 2015 tous les pays du monde à réduire leurs émissions et à maintenir le réchauffement sous la barre des 2 °C d’ici à 2100, l’Accord de Paris, signé lors de la COP21, a marqué un tournant. Aujourd’hui, devant l’urgence, le mouvement s’accélère et les villes sont aux avant-postes. Partout dans le monde, elles se mobilisent, inscrivant l’action climatique au cœur de leur agenda. Elles ne visent plus seulement la diminution de leurs émissions de gaz à effet de serre mais bien la neutralité carbone. L’enjeu ? Atteindre ce point d’équilibre entre les rejets de CO2 et leur absorption par les réservoirs naturels que sont les océans, les sols, les forêts.
Fin 2020, une centaine de collectivités, françaises et étrangères, parmi lesquelles Los Angeles, Kinshasa, Londres, Lyon, Marseille et Paris, ont signé la Déclaration de Paris, s’engageant à agir au plus vite pour atteindre la neutralité carbone. Quant à l’Union européenne, elle veut voir 100 villes du Vieux Continent toucher au but dès 2030 et soutient cet effort avec le volet « Villes intelligentes et neutres en carbone » de son programme Horizon Europe.
Dans une Arabie saoudite qui s’urbanise très rapidement, les autorités souhaitent faire de Riyad une vitrine intelligente et durable, et l’une des villes les plus agréables à vivre au monde. Quatre grands projets environnementaux, sportifs et artistiques, en ligne avec les Objectifs de développement durable des Nations unies, soutiennent cette ambition, qui suppose aussi de réduire drastiquement la congestion automobile en créant le tout premier système de transports en commun (métro automatique et bus) de la ville. Une mutation confiée à RATP Dev, en partenariat avec l’opérateur saoudien SAPTCO.
8 millions
d’habitants en 2030, contre 5,2 millions en 2010 : c’est la progression attendue de la population de Riyad.
Les intentions sont là mais comment passer des objectifs à des résultats concrets ? Pour réussir, les villes, organismes complexes par excellence, doivent actionner simultanément un grand nombre de leviers : opérer la transition de leurs systèmes de transports vers des énergies propres, mais aussi améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et des infrastructures, mieux gérer les déchets et promouvoir le recyclage tout en rénovant les infrastructures urbaines dans une approche durable. Pour relever ces défis, l’innovation joue un rôle clé à condition que la volonté politique et le cadre réglementaire soient au rendez-vous. Dans le secteur du bâtiment, responsable au niveau mondial de 39 % des émissions de gaz à effet de serre, les solutions techniques existent depuis longtemps.
Au Canada, à Taïwan ou à Singapour, des bâtiments à haute efficacité énergétique construits dans les années 1970 sont toujours performants aujourd’hui. Alors pourquoi ne sont-ils pas plus nombreux ? Parce qu’il faut une impulsion forte pour que ces bonnes pratiques se généralisent. C’est ce qui s’est produit à Bruxelles, à New York ou à Vancouver. Dans les années 2000, les bâtiments de Bruxelles comptaient parmi les moins efficients en Europe. En intégrant à sa réglementation les principes de la construction passive, la ville a, en moins de dix ans, inversé la tendance. À Vancouver, une ville engagée dans une démarche similaire, le marché de l’économie bas carbone est maintenant estimé à 3,3 milliards de dollars pour la période 2019-2032.
Première capitale au monde couronnée « parc national », Londres mérite cette distinction : les espaces verts publics couvrent plus de 16 % du territoire du Grand Londres, contre 8,8 % pour Paris. Mais être verte ne suffit pas. La feuille de route de la municipalité vise, à l’horizon 2050, un système de transports zéro émission. Pour y parvenir, la ville a institué depuis 2017 des zones à très faibles émissions qui deviendront des zones zéro émission à partir de 2025. Et elle investit pour convertir les flottes de bus à l’électrique ou à l’hydrogène.
9 200
bus londoniens seront zéro émission au plus tard en 2037.
Le chemin vers la neutralité carbone passe aussi par l’adaptation climatique de l’espace urbain et des bâtiments, nécessaire pour limiter les phénomènes d’îlots de chaleur et éviter un recours massif à la climatisation. Là aussi, l’innovation est centrale pour organiser la riposte. Utilisant l’imagerie satellitaire ou les outils de simulation climatique, les villes commencent à organiser leur trame urbaine en agençant les bâtiments de façon à favoriser la circulation de l’air. En interdisant de construire à des endroits stratégiques, Stuttgart a créé des couloirs d’air qui empêchent l’air chaud de stagner et rafraîchissent naturellement ses rues.
De plus en plus de collectivités fixent des objectifs de désimperméabilisation des sols pour permettre l’évaporation de l’eau. Elles privilégient des revêtements de chaussée qui ne stockent pas la chaleur, comme les pavés enherbés, ou testent des couleurs qui ne l’absorbent pas. En 2017, Los Angeles a ainsi fait baisser de 10 °C la température dans certains quartiers en repeignant des routes en blanc. Au Qatar, Doha a opté pour le bleu sur un tronçon test, pour abaisser la température du bitume de 20 °C à 15 °C.
Sydney vise la neutralité carbone en 2050 et joue sur différents leviers pour y parvenir : la plantation de 800 arbres par an pour doubler la couverture forestière et rafraîchir la ville, le choix de LED pour l’éclairage urbain ou la transition vers les énergies renouvelables. Depuis juillet 2020, toutes les infrastructures publiques (feux de circulation, piscines municipales, hôtel de ville…) de City of Sydney, l’arrondissement central de la métropole, sont alimentées à l’énergie solaire ou éolienne.
27 %
de couverture forestière en 2050, contre 15,5 % en 2013 : c’est l’objectif de la ville de Sydney.
Rafraîchir et verdir la ville est indispensable, mais il faut aussi desserrer l’étau de la congestion urbaine en sortant du modèle du tout-voiture. Les 35 villes membres du réseau C40 Cities signataires de la « Déclaration pour des rues plus vertes et plus saines » se sont engagées à acquérir uniquement des bus à zéro émission à partir de 2025 et à veiller à ce qu’une partie importante de leurs réseaux de transports en commun soit à zéro émission à l’horizon 2030. En parallèle, de nombreuses villes s’efforcent de déconstruire le tout-voiture en favorisant le report modal d’un véhicule occupé par le seul conducteur vers des modes actifs ou partagés, propulsés par des énergies propres, comme les vélos, scooters ou VTC électriques. Et elles posent un regard neuf sur les questions de mobilité, s’inspirant par exemple de la ville du quart d’heure, un modèle d’aménagement qui fait le pari que l’on doit pouvoir se soigner, faire ses courses, travailler, se divertir, faire du sport dans un rayon d’environ 1 kilomètre autour de chez soi.
En opérant cette transition vers la neutralité carbone, c’est aussi leur résilience que les villes renforcent. L’avènement de villes plus autonomes sur le plan énergétique, mieux préparées à l’anticipation et à la gestion des risques est une très bonne nouvelle pour leurs habitants. Ces derniers détiennent une bonne partie de la solution. Leur sensibilisation à ces sujets et l’éducation des plus jeunes, restent des leviers indispensables pour que le défi du changement de modèle soit relevé. « Les communautés sont innovantes, résilientes et entreprenantes. Elles jouent un rôle essentiel dans la création de villes durables sur les plans économique, social et environnemental. Faisons en sorte de ne pas oublier leur valeur », a rappelé António Guterres, secrétaire général des Nations unies, lors de la Journée mondiale des villes, en octobre 2020.
Depuis les années 2000 et malgré le contexte difficile que connaît actuellement la Colombie, Medellín mène une politique de reconquête de son aire urbaine et de lutte contre la pauvreté qui passe notamment par l’urbanisme et les transports en commun. Dans cette ville à flanc de montagne, le métro est relié, d’une part, à un téléphérique urbain, ce qui permet de désenclaver les quartiers pauvres, et, d’autre part, à des escalators extérieurs qui facilitent la circulation. Prochain objectif : devenir la capitale de la mobilité électrique en Amérique latine, grâce à la conversion énergétique des transports publics et des taxis.
Près de 400 m
c’est la longueur de l’escalator géant qui dessert Comuna 13, l’un des quartiers les plus élevés de Medellín.
De chaque côté de la Manche, le groupe RATP met l’innovation au service de la transformation urbaine durable. En Île-de-France, répondant à la volonté d’Île-de-France Mobilités de supprimer les bus diesel du réseau francilien, la RATP est engagée depuis 2014 dans une mutation technologique majeure, la conversion de l’ensemble de ses centres bus à l’électrique ou au biométhane d’ici à 2025*. Unique en Europe à cette échelle, cette démarche a débuté par un vaste programme d’expérimentations d’autobus électriques en conditions réelles d’exploitation, qui a permis de tester les différentes technologies, les systèmes de recharge et la maintenabilité des matériels. Elle se poursuit aujourd’hui avec la conversion des centres bus au biogaz ou à l’électrique. Fin 2020, quatre centres bus ont été convertis et huit sont aujourd’hui en phase de travaux. Pour tous les autres centres, la transformation est engagée. À Londres, grâce à un effort similaire de transformation industrielle qui vient soutenir les engagements de neutralité carbone de la ville, RATP Dev est devenu le premier opérateur de flotte électrique de la capitale britannique. Début 2020, après les lignes C1 et 70, RATP Dev London a converti une troisième ligne de bus (la ligne 94) au 100 % électrique. En 2022, la part de l’électrique dans le réseau exploité par RATP Dev London passera à 24 % avec 15 lignes opérées et 5 dépôts convertis. La filiale opérera alors un total de 260 bus électriques.
*En 2020, la Commission européenne a attribué une première subvention de 23 millions d’euros pour l’achat de bus électriques et la conversion de certains centres bus à l’électrique (Lagny, Corentin, Pleyel, Lilas et Lebrun) et au biométhane (Massy, Bussy, Thiais et Nanterre). En 2021, une seconde subvention de 27,7 millions d’euros a été attribuée pour la conversion de certains centres bus à l’électrique (Point du Jour, Croix Nivert, Neuilly, Vitry, Belliard) et au biométhane (Aubervilliers). Avec ces financements, l’instance soutient l’engagement d’Île-de-France Mobilités et de la RATP dans leur transition énergétique à travers le programme Bus2025.