« Donner les codes aux plus exclus »
« J’ai eu la chance de faire une école de commerce à la Défense. Venant de banlieue, le choc des cultures a été immédiat : j’entrais dans un monde très codifié. Si c’était difficile pour nous, étudiants, ça devait l’être encore davantage pour des personnes qui avaient un parcours plus chaotique. C’est ainsi qu’est née l’idée de collecter des vêtements pour les aider à passer des entretiens. Mais ce vestiaire ne suffisait pas, il fallait travailler sur le fond et sur les codes verbaux et non verbaux. C’est ce que nous faisons avec nos ateliers « coups de pouce » pour des jeunes sans aucun diplôme, des gens qui sortent de prison, d’anciens cadres.
Nous sommes un vrai acteur de l’inclusion dans la ville. Nous faisons travailler ensemble des strates sociales qui ne se rencontreraient jamais : des gens exclus de la vie économique et nos bénévoles, des recruteurs actifs issus du monde de l’entreprise. Et nous sensibilisons à notre action solidaire les donateurs qui viennent déposer des vêtements dans nos locaux ou les salariés des entreprises dans lesquelles nous organisons des collectes. »
« Je me sens concernée, donc je suis très engagée »
« Depuis toute petite, je bricole. J’adore ça et j’avais envie de transmettre, d’être utile. J’ai fondé l’association francilienne Les Artisanes en 2020. L’idée était là depuis longtemps, mais le confinement et le constat que les femmes et mères isolées rencontrent de trop nombreuses difficultés m’ont fait franchir le pas. Les Artisanes, ce sont des ateliers qui proposent aux femmes parfois isolées, d’être autonomes en matière de bricolage. Pendant trois heures, on leur apprend les bases : poser un parquet flottant, fixer une tringle, reboucher un trou.
C’est aussi l’occasion de faire des rencontres, de partager des moments très conviviaux. On organise les ateliers dans des résidences de Paris Habitat ou de RATP Habitat, et l’association – qui a été soutenue dès son démarrage par la Fondation Groupe RATP – aura bientôt des locaux. D’ailleurs, mes ateliers sont aussi destinés aux jeunes en difficulté. Montrer aux gens qu’ils sont capables de faire des choses par eux-mêmes, ça leur redonne confiance, ça les met en mouvement. »
« Nous voulons contribuer, à l’échelle locale, à la mobilité des plus fragiles »
« Croix-Rouge Mobilités est un programme national qui s’appuie sur nos 1 600 structures ancrées dans les territoires. L’une de ses spécificités est son mode de fonctionnement, qui est très ouvert puisque ce sont les communautés d’acteurs locaux, réunissant nos bénévoles et salariés mais aussi les collectivités, les associations, les entreprises partenaires ainsi que les particuliers, qui le font vivre. Concrètement, Croix-Rouge Mobilités propose de l’autopartage, du covoiturage, du transport solidaire aux personnes qui sont en situation de difficulté – notamment financière – pour accéder à la mobilité.
En impliquant le maximum d’acteurs à l’échelle d’un quartier, d’un village, il s’agit, bien sûr, de proposer une mobilité inclusive, mais nous tenons aussi beaucoup à la création de liens. Cela engendre des externalités positives, car les gens, en partageant ces expériences, se mobilisent davantage et proposent des solutions utiles à la collectivité. Nous souhaitons que chacun puisse s’emparer de notre méthode. L’idée est de diffuser largement cette offre pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales. C’est une approche de la mobilité qui place l’humain au centre, ce qui me motive tout particulièrement. »
"Nous cherchons à faire émerger la voix de ceux que l’on n’entend jamais"
« Faire la ville est un peu le fil rouge de mon parcours. Très engagé dans les questions d’habitat abordable, je n’avais, jusqu’à l’an dernier, encore jamais été élu. Je l’ai certes été sur de très bons scores mais avec 25% de participation seulement. Parmi les trois grands changements que nous souhaitons mettre en œuvre à Villeurbanne, il y a donc l’idée de mieux associer les habitants à la vie de la cité. Nous avons ainsi installé courant novembre une assemblée citoyenne de 80 membres. Par ailleurs, tous les habitants à partir de 11 ans peuvent déposer sur une plateforme de budget participatif leurs propositions d’investissement pour des travaux ou des achats permettant d’améliorer le cadre de vie.
En 2021, 300 projets ont été proposés et 39 soumis au vote, pour un budget de 500 000 euros. Enfin nous organisons aussi pendant deux jours des Conférences citoyennes de consensus, une méthodologie qui, sur des sujets très clivants comme la tranquillité publique, permet d’aboutir à des propositions travaillées ensemble. Autant de projets qui feront, je l’espère, émerger la voix de ceux que l’on n’entend jamais dans le cadre des politiques classiques. »
« Mobiliser notre ingénierie financière pour contribuer à rendre les logements accessibles à tous »
« Pour La Banque Postale, la notion d’accessibilité a une résonnance très forte puisqu’elle est intimement liée à notre mission de service public. Le fait de contribuer, en mobilisant notre ingénierie financière, à rendre abordable le logement à tous les publics a donc beaucoup de sens pour nous. Dans le cadre de notre volonté d’être un acteur de la transition juste, nous sommes investis sur tout le continuum de l’accès au logement, depuis le logement très social jusqu’à l’accession à la propriété.
Avec RATP Habitat, nous avons coconstruit ce projet qui propose l’accession à la propriété sur des logements intermédiaires. Ce qui nous semble intéressant, c’est de pouvoir offrir des solutions qui correspondent aux besoins et aux moyens des classes moyennes. C’est l’un des leviers pour éviter l’extrême étalement urbain et générer une proximité entre lieux de vie et lieux d’activité, celle-ci facilitant l’usage de mobilités vertes. En ce sens, rendre le logement accessible à tous dans les métropoles participe d’un mouvement vers des villes à la fois plus mixtes et plus vertes. »
[S]CITY, ou « comment faire rimer émotions et fabrique urbaine »
« À l’origine, nous avions en commun cet intérêt prononcé pour la question de la cohésion sociale. Nous pensions qu’il fallait pouvoir mieux prendre en compte les émotions et les perceptions dans la fabrique urbaine. C’est pourquoi nous voulions croiser nos domaines respectifs : neurosciences, urbanisme, architecture, en fondant [S]CITY. Nous proposons de nourrir la manière de faire la ville grâce aux connaissances issues de l’étude du cerveau et des comportements humains, avec la conviction de pouvoir générer des projets qui rendent les gens plus heureux. Nous appliquons cette approche, qui mêle recherche et action, à de nombreux projets.
Sur le site de l’ancienne chocolaterie Meunier, qui dispose d’un patrimoine paysager et bâti singulier, nous avons par exemple mené un diagnostic sensoriel avec les usagers pour identifier quelles zones devaient être préservées. Pour augmenter le sentiment de sécurité, de bien-être, pour susciter des comportements environnementaux et sociaux vertueux chez les usagers, il est possible d’agir non seulement sur un ensemble de facteurs objectifs (travail sur les volumes, disposition du mobilier urbain, lumière, végétalisation, confort sonore), mais aussi sur des critères liés à la perception subjective. Par exemple en s’interrogeant sur la manière dont la présence du végétal peut contribuer à réduire le sentiment de nuisance sonore ou l’impact d’un patrimoine historique sur l’appropriation d’un lieu. »
« Certains de mes élèves vivent à l’hôtel et n’auraient jamais franchi la porte d’un conservatoire »
« Le collège participe depuis sept ans à l’initiative Orchestre à l’école de l’association du même nom. En fin de sixième, nous proposons aux enfants qui le souhaitent d’intégrer une classe orchestre. Pendant trois ans, ils ont, chaque semaine, deux heures de musique supplémentaires. On leur prête un instrument et des professeurs du conservatoire viennent les former. La composition de ces classes se fait de façon équilibrée, garçons/filles, bons élèves et moins bons élèves. Il ne s’agit pas de créer des classes d’élite mais d’engager une dynamique collective.
Nous avons déjà fait trois cycles complets avec des classes orchestres et je reste en contact avec les « anciens » via les réseaux sociaux. Certains continuent la musique, d’autres pas, mais tous restent marqués par cette expérience qui permet des sorties et des découvertes. Certains de mes élèves vivent à l’hôtel et n’auraient jamais franchi la porte d’un conservatoire ni pensé qu’ils pourraient monter sur scène un jour. C’est très affectif et très émotionnel, pour eux comme pour moi. Quand ils doivent rendre leur instrument au mois de juin, c’est très dur. »