Les Français sont toujours plus nombreux à acheter en ligne : ils étaient 41,8 millions en 2021. Cette explosion du e-commerce crée de nouvelles contraintes pour les villes et stimule l’innovation en matière de logistique urbaine.
Pour atténuer les nuisances induites par la multiplication des livraisons en ville, les opérateurs rivalisent d’inventivité. À Hong Kong, le géant du e-commerce YesAsia joue la carte verticale, avec un hôtel logistique intelligent de 24 étages, le Goodman Interlink qui répond à une double exigence de réduction de l’empreinte des entrepôts et de zéro artificialisation nette des sols. À Paris, le groupe RATP privilégie la piste du partage. Avec RATP Logistics, il propose à des partenaires comme Chronopost ou Amazon d’utiliser les quais de ses centres bus, inoccupés pendant la journée, pour transférer les marchandises vers des véhicules de livraison légers et non polluants.
« Les villes doivent aujourd’hui gérer un nouvel enjeu, la livraison du dernier kilomètre. »
Pourquoi la logistique urbaine est-elle un enjeu pour les villes ?
V.B. Les usages des urbains se transforment considérablement, notamment le rapport au commerce. Le boom du e-commerce a multiplié de façon exponentielle le nombre de livraisons dans l’hypercentre, avec les nuisances qui en découlent, en particulier en termes de pollution. Les villes ont fourni des efforts considérables pour faire reculer la voiture individuelle mais elles doivent aujourd’hui gérer un nouvel enjeu, celui de la livraison du dernier kilomètre.
Comment relever ce défi ?
V.B. Notamment en créant des micro-hubs logistiques qui permettent de rapprocher les marchandises de façon massifiée au plus de la zone de desserte. A partir de ces hubs, on peut ensuite organiser des tournées de livraisons efficaces avec des véhicules légers et décarbonés (et plus particulièrement des vélos cargos électriques) jusqu’aux consommateurs. Ce mode opératoire évite de nombreuses livraisons en camionnettes diesel. Le groupe RATP dispose dans Paris d’un foncier adapté à ces activités et de sites qui se prêtent à une mixité de fonctions, ce qui est rare en centre-ville.
C’est à dire ?
V.B. Le groupe RATP innove en mutualisant ses fonciers industriels et notamment les dépôts de bus, qui sont partiellement inoccupés en journée. À titre d’exemple, le centre bus de Corentin (Porte d’Orleans, 14e arrondissement), où 200 bus sont remisés la nuit, accueille en journée des opérations logistiques sur une zone allouée de 600 m2, de 7H00 à 19H00, alors que l’espace urbain est si rare. Nous mettons nos sites autrefois entièrement dédiés aux fonctions transport au service de la ville et de ses nouveaux flux.
En proposant à des logisticiens de partager le temps d’occupation et les usages de ses sites, le groupe RATP met ainsi en application concrète la notion de chronotopie, qui vise à croiser les dimensions temporelle (chronos) et spatiale (topos) pour faire vivre alternativement plusieurs profils d’utilisateurs ou types d’usages dans un même lieu. L’espace délivre alors différentes fonctions selon les moments de la journée.
Et cela permet à nos clients, Amazon, Chronopost et Ecolotrans, d’effectuer leur transition vers une logistique urbaine durable.
La crise sanitaire a modifié notre regard sur les lieux de travail et fait naître de nouveaux concepts comme le corpoworking, qui conjugue créativité et convivialité. Pas de bureaux attribués, un brassage qui stimule les échanges : la formule, qui favorise l’open innovation, séduit les entreprises.
Réinventer les espaces de travail face aux risques de crise sanitaire, c’est aussi créer, au cœur de la ville, des lieux atypiques et accueillants qui ne sont plus l’apanage des indépendants nomades mais s’adressent aussi aux entreprises et à leurs salariés. À Paris, RATP Real Estate propose, sous la marque Urban Station, des espaces événementiels et de corpoworking implantés dans des sites RATP à caractère industriel, restructurés pour accueillir bureaux et salles de réunion. Le premier a ouvert début 2022 dans le 10e arrondissement, dans le poste de redressement des Petites Écuries, qui alimente en électricité la ligne B du RER. Séduite par la flexibilité du contrat proposé, un délai d’installation très rapide et une localisation stratégique en plein Paris, Joone, une entreprise spécialisée dans les produits d’hygiène et de soin qui emploie une cinquantaine de salariés, a pris possession des lieux pour une durée de 16 mois.
