Dans ce scénario, le local et le durable ont remplacé le global et le consommable. La transition vers la frugalité est le fruit de deux leviers : la contrainte et la sobriété. Les façons de se déplacer, se chauffer, s’alimenter, acheter et utiliser des équipements se sont fortement transformées, ce qui permet d’atteindre la neutralité carbone sans technologies de captage et de stockage de CO2, mais avec des puits biologiques toutefois fortement développés.
L’évolution des valeurs sociétales permet des investissements massifs dans les solutions d’efficacité et d’énergies renouvelables. Pour atteindre la neutralité carbone, une modification progressive du système économique est à l’œuvre, basée sur l’économie du partage, alliant sobriété et efficacité. Tout cela se joue dans le cadre d’une gouvernance partagée et de coopérations territoriales, permettant d’avancer avec pragmatisme et de maintenir la cohésion au sein de la société.
Dans ce scénario, le développement technologique permet de faire face aux défis environnementaux avec un pilotage plus performant. Les manières de vivre, de consommer, de se déplacer, sont très proches de celles que nous connaissons aujourd’hui. Quelques différences émergent, néanmoins, comme des régimes alimentaires moins carnés ou une mobilité qui reste majoritairement le fait de véhicules individuels, mais plus légers et électrifiés.
Nos modes de vie n’évoluent pas et s’attachent toujours plus à la domotique et aux applications : un foisonnement très consommateur d’énergie et de matière. Mais cette société de 2050 est confiante dans la capacité à gérer, voire à réparer, les systèmes sociaux et écologiques à l’aide de ressources matérielles et financières. Ainsi, les enjeux écologiques sont traités avec des solutions techniques. Un véritable pari, puisque la plupart ne sont pas encore matures.
« Les scénarios atteignent un point final comparable : la neutralité carbone… mais les chemins diffèrent fortement. »
Comment faut-il aborder ces 4 scénarios ?
E.V. Aujourd’hui, l’objectif de la neutralité carbone n’est plus remis en question, même si ses implications réelles sont peu perçues. En revanche, les moyens d’y parvenir sont matières à débat. En 2019, quand nous avons lancé ce travail, nous souhaitions à la fois éclairer le débat politique dans la perspective des élections de 2022 mais également contribuer à la réflexion technique en vue de l’élaboration de la Stratégie Nationale Bas Carbone III, prévue pour 2023. Jusque-là, nous produisions des travaux prospectifs avec une vision portée par l’ADEME. Cette fois, nous nous sommes inspirés des quatre scénarios présentés dans le Rapport 1,5°C du GIEC en 2019 et nous les avons adaptés au contexte français. L’objectif était de voir dans quelle mesure des stratégies très contrastées permettent d’atteindre le zéro émissions net ou neutralité carbone.
Avec Transition(s) 2050, nous présentons donc les quatre chemins, quatre paris dans une certaine mesure, qui s’offrent à nous. Aucun n’est simple, nous en détaillons les intérêts comme les limites, mais tous atteignent un point final comparable : la neutralité.
En revanche, les trajectoires d’émissions carbone de ces scénarios sont différentes. Si on les met en perspective avec la dernière publication du GIEC en date d’avril 2022, qui donne trois ans pour agir afin de maintenir un réchauffement inférieur à 1,5°C, il faut regarder le point de passage de 2030, date clé en termes d’objectifs à atteindre. Sur le court terme, les deux premiers scénarios ont une efficacité plus immédiate, notamment grâce au levier de la sobriété et du déploiement rapide des renouvelables.
Sur quels aspects est-il impératif d’accélérer ?
E.V. Cette question n’a malheureusement pas de réponse simple : nos scénarios constituent des ensembles cohérents. Par exemple, ce que la France fait sur les énergies renouvelables – biogaz, éolien, solaire – commence à avoir un impact. Sur ce sujet, il faut accélérer significativement et notamment sur le biogaz. Mais, dans le scénario 1, nous avons un régime alimentaire qui devient massivement moins carné et engendre une baisse significative du cheptel. Par conséquent, la matière première pour le biogaz se trouve très réduite !
Néanmoins, quelques sujets se dégagent : la maîtrise de la demande, d’une part, pour réduire très sensiblement les consommations. C’est là tout l’enjeu de la sobriété. Une autre organisation de la mobilité, aussi, avec la baisse des déplacements subis et l’électrification des véhicules, une constante de nos scénarios, même si le parc de véhicules peut varier du simple au double selon les cas. Enfin, la question du bâtiment est majeure. Aujourd’hui, la production n’est pas corrélée à notre dynamique démographique, elle est bien trop élevée, notamment par rapport aux enjeux d’artificialisation des sols, et nécessite d’être réduite. L’enjeu est d’aller très rapidement vers de meilleures utilisation, mutualisation et rénovation des bâtiments.